La Famille

Les hommes sont des coffrets clos dont la clé est leur langue. Les Arabes d'antan disaient : " Parlez, vous saurez ". En parlant, nous exprimons des notions, des sentiments, des valeurs et des mœurs qui composent notre être. Aujourd'hui, face au développement de la civilisation matérielle, nous avons besoin d'un développement spirituel et moral mais aussi d'une évolution des relations familiales et humaines.

Le " dialogue bienveillant " est un terme nouveau. Nous désignons par cette expression le dialogue reposant sur la délicatesse, la bonté et la politesse. Toutes ces valeurs doivent prévaloir entre les membres d'une même famille. Le dialogue familial diffère du dialogue public dans lequel les gens engagent la conversation sans prêter attention aux détails, aux sentiments des interlocuteurs et aux conséquences de leurs réactions.

Au travail ou en visite chez des amis, nous réussissons à simuler la quiétude, la politesse et à être attentifs car le temps est limité. Au sein de la famille, il devient difficile de faire preuve de bonté tout au long de la journée. Dans les composantes de ce dialogue bienveillant, nous espérons trouver le moyen d'élever la famille musulmane et chacun des membres qui la compose. Bien considérer et bien écouter influencent les idées et le comportement de la personne, car la distinction, la douceur, la bonté, le respect et le comportement positif feront intégralement partie de sa constitution et de ses caractéristiques.

A travers les deux points suivants, nous allons évoquer ce qui élève le dialogue familial au rang de dialogue bienveillant.

Les sentiments

Tout dialogue donne lieu à des divergences. Une conversation se déroulant entre deux personnes n'exprimant aucun différend n'est pas un dialogue. Dans le dialogue bienveillant, il existe toujours des désaccords entre deux personnes sur un sujet particulier. Les deux individus souhaitent arriver à un point de vue commun ou à une décision unique grâce aux vertus du dialogue. La première exigence d'un dialogue bienveillant n'est pas l'existence d'un désaccord, mais plutôt la communication, la fusion et le renforcement des liens familiaux. Ces trois exigences doivent se retrouver dans tous les dialogues. Si ces trois vertus sont présentes, nous trouverons dans ce dialogue la satisfaction, la tolérance et l'affabilité mutuelle comme s'il n'existait aucune divergence ou aucun conflit.

Une famille prend soin de ménager les sentiments de ses membres au travers de nombreux comportements et dans de nombreuses situations.

1 - Une personne menant un dialogue bienveillant est soucieuse de comprendre ce qui ébranle les sentiments de son interlocuteur. Les paroles provoquent la joie et attisent l'intérêt. Elles créent le doute ou la colère. Le caractère des gens est comparable voire même similaire sur bien des points. La sollicitude nous fait mieux comprendre les sentiments de nos interlocuteurs car nous les comparons à nos propres sentiments.

2 - Prendre en considération les émotions de notre interlocuteur demande une compréhension de la dimension affective du dialogue.

Mentionnons l'exemple d'une jeune femme de 18 ans qu'un jeune homme vient demander en mariage. La famille de la jeune femme décide de refuser. Malgré cette décision, la jeune femme insiste pour se marier avec son prétendant. Le jeune femme réussit finalement à convaincre ses parents de la laisser épouser le jeune homme. Les fiançailles ont finalement lieu et le contrat de mariage est signé. Après un mois durant lequel la jeune femme prend le temps de connaître le jeune homme et après une nuit entière de préoccupations, de réflexions, de doutes et de peurs, elle décide de ne pas se marier avec son prétendant. Des larmes plein les yeux, elle informe sa mère de cette décision. Sa mère, adepte du dialogue bienveillant, sait que ce n'est pas le moment de lui faire des reproches ou de chercher à connaître les raisons de ce choix.

Nous sommes dans le temps des émotions, du soutien et du réconfort. Elle se contente de prendre sa fille dans ses bras et de la consoler. Elle lui explique qu'il est préférable que cela arrive maintenant plutôt qu'après une ou deux années de mariage. Elle la rassure en lui assurant qu'un autre homme viendra la demander en mariage.

La mère se comporte ainsi bien qu'elle se soit opposée au mariage auparavant. Elle est persuadée que soutenir sa fille à ce moment précis et la réconforter est plus important que n'importe quelle discussion. Elle pourra lui tenir un autre discours quand sa fille se sera remise du choc provoqué par son choix.

3 - Prendre en considération les sentiments de nos interlocuteurs demande d'être bienfaisant et généreux. Cette attitude bienveillante incite nos interlocuteurs à parler. Elle leur permet de présenter leurs idées avec confiance. Notre affabilité se manifeste en montrant à notre interlocuteur que nous suivons attentivement ce qu'il dit, ou en acquiesçant quand il exprime une idée intéressante.

Un enfant conte à son père le long voyage scolaire qu'il a effectué avec ses camarades et ses professeurs. Pendant que l'enfant raconte les détails de son voyage, son père acquiesce par des mots tels que : " bien, excellent, mash'Allah, grandiose, brillant, incroyable ". Il hoche la tête pour montrer à son fils qu'il l'écoute attentivement. Si le père entend une chose qu'il n'approuve pas, son désaccord s'exprime sur son visage. Alors, le fils s'arrête pour comprendre ce qui dérange son père.

Ce degré d'interaction incite le locuteur à persévérer dans le dialogue et à se confier. Certaines personnes font parfois preuve d'inertie, de stupidité et de dureté. Elles ne réagissent pas et donnent l'impression au locuteur de parler à une statue ou à une poupée. Ce type de conduite est agaçant. Elle donne le sentiment au locuteur qu'une mauvaise surprise va arriver de la part de la personne inerte qu'il a en face de lui. Nous devons comprendre que 70/80% des sentiments et des notions s'expriment en dehors du cadre linguistique, c'est à dire par les mouvements de la tête et des mains, les expressions du visage et la position du locuteur.

La communication visuelle entre les interlocuteurs est essentielle. Autrefois, nous disions que " les yeux sont le reflet de la parole ". Des yeux qui se rencontrent aident à l'interaction entre les interlocuteurs. Beaucoup se trompent sur ce point, à l'image d'un père s'entretenant avec son fils sur la spécialité qu'il souhaite suivre à l'université. Durant cette conversation, le père regarde sa femme comme s'il lui demandait de l'aide. Ce comportement est offensant pour son fils.

Beaucoup d'adolescents se plaignent du fait que leurs parents ne les considèrent pas comme des êtres matures. Les réunions avec leur père se composent uniquement d'exhortations, de directives, d'observations, de reproches, de punitions et de demandes minutieuses concernant les études, les amis ou le temps de loisir. Certains adolescents manquent réellement de maturité et optent, la plupart du temps, pour l'exagération. Néanmoins, ce qu'ils disent n'est pas loin de la réalité. Cette mauvaise relation entre les adolescents et les parents cause de nombreux dommages et entraîne une césure entre les générations.

L'éducateur habitué aux civilités du dialogue bienveillant restreint au maximum les exhortations et les directives afin de préserver les sentiments de son compagnon (époux ou épouse) ou de ses enfants. Au lieu de cela, l'éducateur profite de l'occasion pour parler de sa propre expérience ou de celle d'une autre personne.

Présentons l'exemple de ces parents souhaitant sensibiliser leurs enfants à la gestion du temps. Quand elle s'entretient avec l'un de ses fils, la mère peut, par exemple, citer un personnage important et lui dire le moment venu : " Je suis persuadé que le sérieux de cet homme, ou de cette femme, dans la gestion de son temps est la raison de sa réussite. D'après mes modestes connaissances, je n'ai jamais vu et jamais lu qu'un personnage important ne s'intéresse pas à la gestion de son temps ". Le père ou le grand frère peuvent ajouter : " Lequel d'entre vous peut nous citer trois manières pouvant nous aider à profiter pleinement de notre temps ? " Les personnes matures de la famille doivent savoir ce qu'il faut dire et attendre le moment propice pour le faire.