Zâd Al-Ma'âd - Ibn Al-Qayyim

" Ô croyants ! Craignez Allah comme Il mérite d'être craint et veillez à ne mourir qu'en musulmans ".

(Coran 3:102)

" Luttez comme il se doit pour la cause d'Allah ! C'est Lui qui vous a élus, sans vous imposer aucune gêne dans votre religion ".

(Coran 22:78)

Il [Allah] leur a enjoint de combattre dans Sa voie comme il se doit, tout comme Il leur a ordonné de Le craindre comme Il mérite d'être craint. De même que la crainte véritable d'Allah consiste à obtempérer et à ne pas Lui désobéir, à se rappeler de Lui et à ne pas L'oublier, à Le remercier et à ne pas se montrer ingrat envers Lui, le véritable djihad requiert du serviteur qu'il combatte son âme, afin qu'il soumette son cœur, sa langue et ses membres à Allah. Tout son être appartient alors à Allah, non à lui-même et existe par Allah et non par lui-même. Il est tenu de se battre contre son Satan [Iblîs] en traitant sa promesse de mensonge, en désobéissant à son ordre et en s'adonnant à ce qu'il interdit.

En effet, il fait de fausses promesses, donne de faux espoirs, fait craindre la pauvreté, ordonne la turpitude, interdit la piété, la bonne direction, la chasteté, la patience et tous les traits caractéristiques de la foi.Le serviteur le combat donc en déniant ses offres et en désobéissant à ses commandements. 

Ces deux combats lui apporteront, par conséquent, la force et l'autorité ainsi que les armes nécessaires pour s'opposer aux ennemis extérieurs d'Allah, par son cœur, sa langue, sa main et ses biens, afin que la parole d'Allah l'emporte.

Les Anciens diffèrent quant au sens de l'expression " véritable djihad [citée dans le verset 78 de la sourate 22]. Selon Ibn Abbâs, il est question de s'y livrer entièrement et de ne craindre le blâme d'aucun censeur pour Allah. Pour Muqâtil, il faut œuvrer pour Allah de la manière qui sied et L'adorer de la meilleure façon. Abd Allah Ibn Al-Mubârak explique qu'il s'agit de l'effort exercé contre son âme et sa passion. En revanche, celui qui affirme que les deux versets sont abrogés se trompe. En effet, il se méprend en pensant qu'ils renferment un ordre qu'on ne peut supporter. Or, la crainte comme il se doit et le djihad comme il se doit sont ce que chaque serviteur est capable de supporter en lui-même.

Ceci diffère, évidemment d'un serviteur responsable à un autre, selon sa force ou sa faiblesse, ses connaissances ou son ignorance. Par conséquent, la véritable piété et le vrai djihad sont une chose par rapport à celui qui est fort et savant et une autre pour celui qui est faible et ignorant. Vois comment Allah fait suivre cet ordre par Sa parole :

" C'est Lui qui vous a élus, sans vous imposer aucune gêne dans votre religion ".

(Coran 22:78)

La gêne signifie l'étroitesse. Au contraire, Il l'a rendue ample afin de la mettre à la portée de tout un chacun, de même qu'Il a mis Sa faveur à la portée de chaque être vivant. Il a chargé le serviteur de ce dont il est apte et lui a octroyé ce qui lui convient. Par conséquent, celui-ci est à même d'assumer sa charge et la faveur qu'il a reçue lui suffit. Il n'a imposé à Son serviteur aucune espèce de gêne dans la religion. Le Prophète ﷺ déclare :

" J'ai été envoyé avec la religion tolérante ".

(Rapporté par Ahmad 22291 et 24855)

Cela désigne le monothéisme, facile à pratiquer.

Allah a laissé à Ses serviteurs une amplitude extrêmement grande dans Sa religion, tout comme Il les a comblés de Sa faveur, leur a facilité Sa grâce et Son pardon. Il leur permet de se repentir aussi longtemps que l'âme est dans le corps et leur a ouvert, pour se faire, une porte qu'Il ne refermera pas jusqu'à ce que le soleil se lève de son couchant. Il a instauré la possibilité d'effacer toute mauvaise action par un repentir, une aumône, une bonne action ou une épreuve expiatoire. Il a compensé tout ce qu'Il a déclaré illicite par une chose licite plus bénéfique, plus agréable et plus savoureuse pour eux, afin de ne pas les mettre à l'étroit. Ce licite occupe sa place afin que, suffisant au serviteur, celui-ci se passe de l'illicite Allah ne met donc pas l'homme à l'étroit.Pour chaque épreuve difficile qu'Il lui donne, Il attribue une facilité avant et une autre après." Ainsi, une difficulté n'aura pas le dessus sur deux facilités " (*). Si tel est le traitement que le Seigneur accorde à Ses serviteurs, comment pourrait-Il leur imposer une charge qui n'est pas à leur mesure et a fortiori ce qu'ils ne peuvent supporter ou son incapables d'exécuter ?

(*) " A côté de la difficulté est certes une facilité " (Coran 94:5)

Source : Zad Al-Ma'ad 2/130-131 d'Ibn Al-Qayyim