Zâd Al-Ma'âd - Ibn Al-Qayyim

La plus grande cause de l’ouverture de la poitrine s’avère être le monothéisme. C’est la perfection, la force et l’accroissement de ce monothéisme qui déterminent l’ouverture de la poitrine de l’individu.Allah le Très Haut déclare :

" Est-ce que celui dont Allah ouvre la poitrine à l'Islam et qui détient ainsi une lumière venant de Son Seigneur... ".

(Coran 39:22)

" Et puis, quiconque Allah veut guider, Il lui ouvre la poitrine à l'Islam. Et quiconque Il veut égarer, Il rend sa poitrine étroite et gênée, comme s'il s'efforçait de monter au ciel ".

(Coran 6:125)

Ainsi, la voie droite et le monothéisme constituent les plus grands moyens de l’ouverture de la poitrine tandis que le polythéisme et l’égarement représentent les plus grandes causes de l’étroitesse et de la gêne de la poitrine.La lumière qu’Allah projette dans le cœur du serviteur, à savoir la lumière de la foi, ouvre et dilate la poitrine et réjouit le cœur. Si cette lumière est absente dans le cœur du serviteur, celui-ci devient étroit et ressent de la gêne. Il se retrouve dans la plus exiguë et la plus dure des prisons.

At-Tirmidhî rapporte dans son Jâmi’ que le Prophète ﷺ dit :

" Quand la lumière pénètre le cœur, celui-ci se dilate et s’épanouit ".

On lui demanda : " Quel en est le signe, ô Messager d’Allah ? "

Il répondit : " Le retour vers la demeure éternelle, l’éloignement de la demeure de l’illusion et la préparation à la mort avant son arrivée ".

(Contrairement à ce que dit l’auteur, l’imam At-Tirmidhî n’a pas rapporté ce hadith. On le retrouve dans de nombreuses sources Tabarî, Suyûtî qui l'attribue à Ibn Abî Shayba, Ibn Abî Ad-Dunyâ, Hâkim et d'autres, selon différentes versions qui se renforcent comme l'explique Ibn Kathîr dans son Tafsîr 2/174. Arna'ût)

La poitrine du serviteur s’épanouit alors selon la force de cette lumière. Il en est de même pour la lumière physique aussi bien que pour l’obscurité physique. L’une dilate la poitrine et l’autre la comprime.

Il y a aussi la science qui ouvre la poitrine et l’élargit de sorte qu’elle soit plus vaste que ce monde. À l’inverse, l’ignorance engendre, chez elle, l’étroitesse, le resserrement et le confinement. Plus la science du serviteur est grande, plus sa poitrine s’élargit et s’ouvre. Toutefois, ceci ne concerne pas toutes les sciences, mais plutôt celle héritée du Messager ﷺ qui est la science utile. Par conséquent, les gens de cette science sont ceux qui ont la poitrine la plus dilatée, le cœur le plus large, le caractère le plus honorable et la vie la plus agréable.

Également, rien n’ouvre autant la poitrine du serviteur que lorsqu’il se repent à Allah, L’aime de tout son cœur, se tourne vers Lui et trouve le plaisir dans Son adoration. Si bien que, parfois, il se dit : si au Paradis je suis dans une telle condition, je mènerai alors une vie agréable. L’amour a, sur l’épanouissement de la poitrine, la douceur de la vie et le bien-être du cœur, un effet connu uniquement de celui qui le ressent. En effet, plus l’amour est fort et puissant, plus la poitrine se dilate et s’épanouit.Elle ne devient étroite que lorsqu’il voit ceux qui sont désœuvrés et oisifs sur ce plan. Leur vision est comme une poussière dans son œil et leur fréquentation une fièvre pour son âme.

Tourner le dos à Allah, attacher son cœur à autre que Lui, négliger Son rappel et aimer autre que Lui, s’avèrent être parmi les plus grandes causes de l’étroitesse de la poitrine. En effet, celui qui a un penchant pour autre chose qu’Allah sera châtié par celle-ci et son cœur sera emprisonné dans l’amour qu’il lui voue. Sur terre, il n’y aura pas plus malheureux et plus triste que lui. Personne ne mènera de vie aussi misérable que la sienne, ni n’aura de cœur plus fatigué que le sien.Il s’agit donc de deux types d’amour. L’un est le Paradis de ce bas monde, la joie de l’âme, le plaisir du cœur, a félicité, la nourriture et le remède de l’esprit, voire sa vie et son plaisir. C’est l’amour d’Allah seul qu’on éprouve de tout son cœur. Toutes les forces de la disposition, de la volonté et de l’amour sont attirées vers Lui.

L’autre (type d’amour) est le châtiment de l’esprit, l’angoisse de l’âme, la prison du cœur et l’étroitesse de la poitrine. C’est la cause de la douleur, du malheur et de la peine. C’est l’amour d’autre que Lui.

Parmi les causes de la dilatation de la poitrine, on relève le constant rappel d’Allah en toute circonstance et en tout lieu. En effet, le dhikr a un impact étonnant sur l’épanouissement de la poitrine et la félicité du cœur. De même, l’insouciance produit un étrange effet sur l’étroitesse, le confinement et la torture de la poitrine.

Une autre raison de l’épanouissement de la poitrine gît dans la bienfaisance envers les hommes et dans le fait de leur être utile par son argent, son statut social ainsi que par l’engagement personnel et par tous les moyens possibles. En effet, l’homme généreux et bienfaisant est celui dont la poitrine est la plus épanouie. Il a l’âme la plus réjouie et le cœur le plus léger. Par contre, l’avare qui n’a pas l’esprit bienfaisant, est l’être dont la poitrine est la plus étroite, qui mène la vie la plus malheureuse et qui est le plus angoissé et le plus soucieux.Dans le Sahîh, le Messager d’Allah ﷺ a cité la parabole de l’homme avare et de celui qui donne l’aumône :

" Tous deux portent des cottes de mailles. Chaque fois que le donateur fait une aumône, la cotte se distend si bien qu’il traîne ses vêtements et laisse des traces de pas. À chaque fois que l’avare songe à la charité, la cotte se rétrécit et chaque anneau reste à sa place sans s’élargir sur son corps ".

(Rapporté par Bukhâri 1443 et Muslim 2359)

Tel est l’exemple de la poitrine du croyant qui s’épanouit et de son cœur qui se dilate avec l’aumône ainsi que de l’étroitesse de la poitrine et du confinement du cœur de l’avare.

Il y a aussi le courage. L’homme hardi a la poitrine épanouie, il est détendu et son cœur est dilaté. Celui qui manque de courage est celui dont la poitrine est la plus étroite et le cœur le plus confiné. Il ne connaît ni joie, ni gaieté, ni félicité si ce n’est ce qui s’apparente à celle de l’animal. La joie, le plaisir, la félicité et la gaieté de l’esprit sont interdits à tout peureux. De même, ces caractéristiques ne sont pas celles de l’avare, de celui qui se détourne d’Allah, qui ne se préoccupe pas de Son rappel, qui ignore Ses Noms et Attributs, ainsi que Sa religion, et dont le cœur est attaché à autre que Lui. Cette félicité et cette joie se transforment, dans la tombe, en des jardins du Paradis, tandis que l’étroitesse et le confinement deviennent châtiment et prison.La condition du serviteur dans la tombe est celle du cœur dans la poitrine : félicité ou châtiment, prison ou liberté. Il ne faut pas considérer la dilatation de la poitrine de l’un sous l’effet d’un événement quelconque ou l’étroitesse de celle de l’autre pour une certaine raison. En effet, les contingences disparaissent avec la dissipation de leurs causes. Il convient juste de considérer la caractéristique du cœur de sorte que celui-ci s’épanouisse ou se contracte. C’est le véritable critère. C’est à Allah que nous demandons assistance.

L’une des plus grandes causes consiste à débarrasser le cœur des traits blâmables responsables de son étroitesse et de sa torture, et qui s’interposent entre lui et la guérison. Effectivement, si un homme fait les causes qui ouvrent la poitrine, mais ne réussit pas à délivrer son cœur de ces penchants négatifs, sa poitrine ne jouira d’aucune sorte d’épanouissement. Tout au plus, son cœur sera sous l’emprise de deux forces et appartiendra à celle qui parviendra à s’imposer.

Il faut aussi renoncer à tout ce qui est superflu en fait de regard, de paroles, d’écoute, de fréquentation, de nourriture et de sommeil. Car ces excès se transforment en douleurs et soucis. Ils sont sources d’anxiétés dans le cœur si bien qu’elles l’enserrent, le retiennent, l’oppriment et le font souffrir. Voire, c’est l’origine de la majeure partie des châtiments en ce monde et dans l’Au-delà. Il n’y a de divinité digne d’être adoré si ce n’est Allah ! Comme est étroite la poitrine de celui qui a une part de chacun de ces fléaux ! Que sa vie est misérable ! Quel mauvais état que le sien ! Comme son cœur est opprimé ! Il n’y a de divinité digne d’être adoré si ce n’est Allah ! Quelle est agréable la vie de celui qui possède en partie chacune de ces belles qualités et qui en fait sa principale préoccupation ! Celui-là jouira d’une belle part de ce qui est consigné dans la parole d’Allah :

" Les bons seront, certes, dans un [jardin] de délice ".

(Coran 82:13)

L’autre, en revanche, aura droit à une part importante de ce qui est mentionné dans la parole d’Allah :

" Les libertins seront, certes, dans une fournaise ".

(Coran 82:14)

Entre les deux, il y a des degrés divers que seul Allah est capable d’énumérer.

En somme, il convient de retenir que le Messager d’Allah ﷺ était l’homme le plus parfait eu égard aux caractéristiques contribuant à la dilatation de la poitrine, à l’élargissement du cœur, au plaisir des yeux et à la vie de l’âme. Il était la personne la plus complète par rapport à ce contentement, cette vie et cette fraîcheur des yeux, outre l’ouverture concrète de sa poitrine, qui lui était propre. Le serviteur jouit d’une dilatation de la poitrine, d’une fraîcheur des yeux et d’un plaisir de l’esprit proportionnels à son observance de la pratique prophétique. En effet, le Prophète atteint le sommet de la plénitude pour ce qui est de l’épanouissement de la poitrine, de l’éloge et du pardon des péchés. Ses suiveurs bénéficieront d’une part de ces particularités selon leur respect de sa Sunna. Qu’Allah nous accorde aide et assistance !

C’est ainsi qu’Allah les préservera, les protégera, prendra leur défense, les honorera et leur portera secours suivant le degré, plus ou moins grand, de leur observance de la pratique prophétique. Quiconque trouve du bien, qu’il loue Allah ! Quant à celui qui rencontre autre chose, qu’il ne blâme que sa personne !

Source : Zad Al-Ma'ad 1/413-416 d'Ibn Al-Qayyim