Zâd Al-Ma'âd - Ibn Al-Qayyim

Quiconque présume que s'il suscite Sa colère et Son courroux, s'évertue à se rebeller contre Lui, puis prend autre que Lui comme allié et invoque à Sa place un Ange ou un être humain, mort ou vivant, cela lui donnera espoir que cela lui sera utile auprès de son Seigneur et le délivrera de Son châtiment, a une mauvaise idée de Lui. Ceci accroît son éloignement d'Allah ainsi que le châtiment qu'Il lui infligera.

Certains s'imaginent ce qui suit : Allah permettrait aux ennemis de Son Messager Muhammad ﷺ de le dominer de manière durable et permanente, tant dans sa vie que dans sa mort. Il l'aurait éprouvé par eux sans répit. A sa mort, ils se seraient emparés du commandement sans recommandation, auraient lésé les membres de sa famille, spolié leurs droits et les auraient humiliés. Par conséquent, la domination, la victoire et l'autorité seraient toujours revenues à Ses ennemis et aux leurs, sans que Ses alliés et les gens de la vérité ne commettent aucun crime ni aucun péché.

Ces gens sont d'avis que les ennemis ont dominé les membres de la famille du Prophète ﷺ, ont volé leur droit et ont changé la religion de leur Prophète ﷺ. Allah aurait regardé cette spoliation et cette transformation de la religion, alors qu'Il était capable de venir en aide à Ses alliés, à Son parti et à Ses troupes, mais ne leur aurait pas apporté assistance et ne leur aurait pas permis de dominer l'ennemi. Au contraire, Il aurait donné ce privilège pour toujours à l'adversaire, ou alors Il ne serait pas capable de leur venir en aide. Ceci aurait eu lieu sans qu'Il puisse s'y opposer et sans Son désir. Ensuite, Il aurait placé ceux qui ont changé Sa religion dans des tombes voisines à celle du Prophète ﷺ, de sorte que sa communauté les salue à tout instant, comme le pensent les Rafidites.

Ceux qui ont une telle conviction entretiennent à Son égard la plus abjecte et la plus laide des pensées. Peu importe qu'ils disent qu'Il est capable de les soutenir et de leur permettre de vaincre et de triompher de leurs ennemis, ou qu'Il n'en pas à même, ils s'attaquent à Sa puissance, Sa sagesse, et Sa louange. Ce relève de la mauvaise pensée. De toute évidence, le Seigneur qui a fait une telle chose est détesté, voire n'est pas loué par celui qui a une telle conviction, car Son devoir était d'agir autrement. Mais ils ont raccommodé cette conception corrompue par une transgression encore plus grande et son tombés de Charybde en Scylla en déclarant : ceci n'émanerait pas de la volonté d'Allah. Il n'avait ni la capacité de le repousser ni de secourir Ses alliés. Il n'a aucun pouvoir sur les actes de Ses serviteurs, actes qui ne tombent pas sous Sa capacité. Par conséquent, ils ont eu à Son égard la même pensée que leurs frères Mazdéens et autres partisans du dualisme. Tout individu qui nie la capacité divine, tout incroyant et tout innovateur dominé et méprisé a cette idée à l'égard de son Seigneur. Il croit que c'est lui qui mérite la victoire, la domination et l'emprise sur ses ennemis.

La plupart des gens, voire tous à l'exception de ceux qu'Allah veut, entretiennent à Son encontre une fausse pensée, une mauvaise pensée. En effet, la majeure partie des fils d'Adam estiment qu'ils sont lésés dans leurs droits, manquent de chance et méritent plus que ce qu'Allah leur a octroyé. C'est comme si l'un d’eux déclare : " Le Seigneur m'a lésé, m'a privé de ce que je mérite " et son état témoigne de cela. Mais par sa bouche, il le nie et n'a pas le courage de le reconnaître. Celui qui examine son âme et s'insinue dans ses profondeurs et ses méandres constatera que cette pensée est cachée à l'instar du feu dans le briquet. Frotte le briquet de qui tu veux et son étincelle te révélera ce qui y est caché. Examine qui tu veux et tu verras qu'il est, à l'égard du destin, plein de reproches, de critiques et de propositions contraires à ce qu'il lui est arrivé. Il aurait aimé que les choses soient ainsi et ainsi. Il trouve qu'on ne lui donne pas suffisamment et qu'on lui en demande trop. Examine ton âme : en es-tu exempt ?

Si tu échappes, tu échapperas à une grande calamité

Sinon, je ne crois pas que tu sera sauvé

Il appartient à l'homme intelligent, sincère envers lui-même, d'être attentif à cette question, de se repentir à Allah et d'implorer Son pardon à tout instant pour la vilaine pensée qu'il a de son Seigneur. Il devrait plutôt avoir une piètre opinion de son âme, laquelle est le refuge de tout mal et la source de toute méchanceté, car elle est constituée d'ignorance et d'injustice. Elle mérite la mauvaise opinion plus que le Meilleur des juges, le plus Juste des justes, le plus Miséricordieux des miséricordieux, le Riche, le Glorifié, celui qui possède la richesse absolue, la louange complète, la sagesse parfaite, celui qui est exempt de tout défaut dans Son essence, Ses attributs, Ses actes et Ses noms. En effet, Son essence est la perfection sous tous ses aspects, de même que Ses attributs et Ses actes. Ce sont tous l'expression de la sagesse, de l'intérêt, de la miséricorde et de l'équité. Tous Ses noms sont les plus beaux.

Ne nourris pas de mauvaise pensée à l'égare de ton Seigneur

Car Allah est plus digne de ce qui est beau

Ne pense jamais du bien de ton âme

Comment est-ce possible alors qu'elle est injuste, pécheresse et ignorante ?

Dis : Ô mon âme, refuge de tout mal

Peut-on espérer le bien d'un mort avare ?

Estime plutôt que ton âme est mauvaise et tu la trouveras ainsi,

Car le bien pour elle est impossible

Toute piété et tout bien que tu vois chez elle

Ne sont que des dons du Noble Seigneur

Ils ne viennent pas d'elle ni ne lui appartiennent,

Mais émanent du Tout Miséricordieux. Remercie-Le donc pour t'y avoir guidé

Source : Zad Al-Ma'ad 2/303-310 d'Ibn Al-Qayyim