Les Intrigues du Diable -Ibn Al-Qayyim

Abû al-Husayn Al-Warrâq a dit : " La vie du cœur réside dans la mention du Vivant qui ne meurt jamais, et la vie paisible n’est que celle vécue avec Allah ".  C’est la raison pour laquelle, manquer cette vie spirituelle est pire que la mort pour ceux qui connaissent Allah, car cela coupe l’homme de la vérité tandis que la mort le coupe seulement des créatures. Combien la différence est grande entre ces deux coupures !

Un autre a dit : " Celui qui est satisfait d’Allah ﷻ, toute chose est satisfaite de lui. Quant à celui qui n’est pas satisfait d’Allah, son cœur se déchirera de regrets pour ce bas monde ". 

Yahyâ Ibn Mu’âdh a dit : " Celui qui se réjouit de servir Allah, toute chose se réjouira de le servir. Celui qui est satisfait d’Allah, toute chose se réjouira à sa vue ". 

Parmi les signes de bonne santé du cœur :

Il ne se lasse pas d’évoquer son Seigneur et de Le servir. En dehors d’Allah, aucune compagnie ne lui procure de bien-être, sauf la compagnie de celui qui l’oriente vers Allah, Le lui rappelle et s’entretient avec lui à ce sujet.

Quand il manque à son temps de ressourcement spirituel (wird), il en souffre plus que ne souffre l’homme cupide de la perte de ses biens. Il désire intensément servir son Seigneur comme l’affamé désire nourriture et boisson.

Quand il entre en prière, ses soucis et préoccupations mondaines disparaissent. Il lui est pénible de quitter la prière, car il y trouve quiétude, repos, délectation, réjouissance et joie de son cœur. Allah est sa seule préoccupation. Il est plus avare de voir son temps perdu que le plus avare des hommes envers ses biens.

Son application à la correction de l’œuvre est plus grande que la pratique elle-même. Il s’attache à n’œuvrer que pour Allah, en toute sincérité, en se conformant à la Sunna et en l’accomplissant de la meilleure façon qui soit.

Dans le même temps, il témoigne du don d’Allah en sa faveur, et il constate ses manquements vis à vis d’Allah.

Ce sont donc là six signes dont ne peut faire preuve que le cœur vivant et sain.

En somme, le cœur en bonne santé est un cœur qui voue à Allah toute son attention, tout son amour, toute sa volonté, tout son corps, toutes ses œuvres, son sommeil et son éveil. S’adresser à Allah et parler de Lui est la conversation qu’il préfère plus que toute autre. Ses pensées gravitent autour de ce qu’Allah aime et agrée. Il préfère s’isoler avec Allah que de se mêler aux gens, sauf lorsque la fréquentation des gens est plus aimée et agréée par Allah. Allah est source de sa joie, de sa sérénité et de sa tranquillité. Chaque fois qu’il sent que son âme se tourne vers autre que Lui, il lui récite :

" Ô âme sereine ! Retourne vers ton Seigneur, satisfaite [de Sa récompense] et avec Son agrément ".

(Coran 89:27-28)

Il répète à son âme cet appel afin qu’il l’entende de son Seigneur le Jour où il Le rencontrera. Devant son Dieu et Être adoré, le cœur prend la teinte de la servitude qui devient un de ses caractères, sans aucune affectation. Il pratique alors cette servitude avec affection et amour, et il s’en rapproche comme se rapproche l’amoureux de l’être aimé en se mettant à son service et en réalisant ce dont il a besoin.

Chaque fois qu’il fait face à un commandement ou à une interdiction de son Seigneur, il perçoit en son cœur une voix qui dit : " Me voici soumis et ne cessant de m’efforcer à T’obéir. J’écoute, j’obéis et me conforme à Ton ordre. C’est là encore une faveur que Tu m’accordes, et la louange Te revient en cela ! "Lorsque la prédestination le frappe, il perçoit en son cœur une voix qui dit : " Je suis un serviteur, un pauvre et un indigent qui T’appartient. Je suis Ton serviteur pauvre, impuissant, faible et humble ! Tu es mon Seigneur le Puissant et le Miséricordieux. Je n’ai de patience que celle que Tu m’accordes ! Je n’ai de force que celle dont Tu me dotes. Je n’ai de refuge contre Toi qu’auprès de Toi ! Je ne trouve d’aide qu’auprès de Toi ! Je ne quitterai pas Ta porte et je n’emprunterai aucun chemin détournant de Toi ! " Il s’écroule alors totalement devant Lui et s’appuie entièrement sur Lui.Si son Seigneur le frappe d’une chose qui lui est désagréable, il dit : " C’est une miséricorde qui m’a été offerte et un remède efficace venant d’un Médecin compatissant ". Et si Allah détourne de lui ce qu’il aime, il dit : " C’est un mal qui a été écarté de moi ! "

Combien de fois ai-je viser un but que Tu as choisi d’écarter de moi.
Tu ne cesses d’être plus bienveillant et miséricordieux envers moi que je ne le suis envers moi- même.

Tout ce qui lui vient d’Allah, comme facilité et difficulté, est pour lui un chemin qu’il emprunte pour se guider vers Lui et une porte lui permettant de s’introduire auprès de Lui, comme il a été dit :

Bon gré mal gré, la prédestination ne m’a jamais atteint,
sans qu’elle ne soit pour moi un chemin me guidant vers Toi.
Réalise le décret, je l’accueillerai avec satisfaction,
car je T’ai toujours trouvé à mes côtés.

Par Allah ! Combien sont étonnants ces cœurs, ces consciences qu’ils renferment et ces trésors qu’ils contiennent ! Par Allah, combien sont bonnes leurs intentions, [ce qui se manifestera] surtout le Jour où les secrets des cœurs seront dévoilés !

Par Allah, un étendard fut dressé pour eux et ils usèrent de toutes leurs forces pour y parvenir ! Une voie droite leur apparut clairement et ils se maintinrent sur elle. Des objectifs, autres que leur objectif suprême, les appelèrent mais ils ne répondirent pas à leurs appels, Le préférant ainsi à tous les autres et faisant le choix de ce qui est auprès de Lui.

Source : Les Intrigues du Diable p.103-110 d'Ibn Al-Qayyim