Les Voies du Cheminement Spirit-Taymiyya

Celui qui a une foi véritable, a nécessairement une part de ces actes [les actes du cœur] qui sont fonction du niveau de sa foi quand bien même des péchés lui seraient imputables. Al-Bukhâri rapporte dans son Sahîh que Umar Ibn Al-Khattâb (qu'Allah soit satisfait de lui) a dit :Il y avait un homme surnommé Himâr qui faisait rire le Prophète ﷺ. Il buvait du vin et fut fouetté à maintes reprises pour délit d'ivresse par le Prophète ﷺ. Un jour, il fut amené pour le même délit et un homme dit :

" Qu'Allah le maudisse ! Il est trop souvent présente au Prophète ﷺ pour le même motif ! "

Le Prophète ﷺ répliqua : " Ne le maudis pas, car c'est quelqu'un aime Allah et Son Messager ".

(Rapporté par Bukhâri 6780)

Ce hadith prouve que l'auteur d'un péché [la consommation d'une boisson enivrante ou autre] peut être quelqu'un qui aime Allah et Son Messager. Or, l'amour d'Allah et de Son Messager est l'une des anses les plus solides de la foi.

La même règle s'applique à la personne dévote et ascète. Si elle a dans le cœur une certaine hypocrisie et une certaine propension à l'innovation blâmable en matière de religion (bid'a) elle peut, de ce point de vue, faire l'objet du courroux d'Allah et de Son Messager. On trouve d'ailleurs dans plusieurs endroits des recueils authentiques un hadith selon lequel Alî Ibn Abî Tâlib, Abû Sa'îd Al-Khudrî et d'autres Compagnons y rapportent que le Prophète ﷺ a donné la description suivante des Kharijites :

" Méprisables paraîtront vos prières comparées aux leurs, votre jeûne comparé au leur et votre récitation comparée à la leur. Mais ils réciteront le Coran sans que celui-ci n'aille plus loin que leur gosier [c'est à dire sans que le Coran n'arrive à leur cœur pour être médité]. Ils sortiront de l'Islam aussi vite qu'une flèche de son gibier. Partout où vous les trouverez, tuez-les. Celui qui les tuera sera récompensé le Jour du Jugement. Si je devrais vivre cette époque, je les exterminerais comme le peuple de Âd a été exterminé ".

(Rapporté par Bukhâri 3344)

Ceux là ont été combattus par les Compagnons du Messager d'Allah ﷺ avec l'émir des Croyants Alî Ibn Abî Tâlib (qu'Allah soit satisfait de lui) conformément à la recommandation prophétique. D'après un hadith authentique, le Prophète ﷺ a dit à leur sujet :

" Des hérétiques surgiront lors de la scission des musulmans en deux partis. Celui des deux partis qui a le plus raison se chargera de les tuer ".

(Rapporté par Muslim 150)

Voilà pourquoi les maîtres musulmans en matière de savoir comme Sufyân Al-Thawrî et d'autres disent que l'innovation blâmable dans la religion est plus aimable à Satan [Iblîs] que le péché, car on ne s'en repent pas, tandis qu'on se repent du péché.

(Voir Hilyat al-Awliyâ d'Abû Nu'aym Al-Asfahânî 7/26)

Par leur parole : " On ne se repent pas de l'innovation dans la religion ", ils entendent que l'innovateur qui adopte un culte qu'Allah et Son Messager n'ont pas prescrit n'est rien d'autre que quelqu'un dont la mauvaise action a été embellie à ses yeux au point qu'il pense agir convenablement. Il ne s'en repent pas tant qu'il la trouve belle. En effet, la première étape du repentir consiste à être conscient que ce qu'on a fait est mauvais pour s'en repentir par la suite, ou à être conscient qu'on a renoncé à l'accomplissement d'une bonne action que la religion impose ou juge préférable, pour se repentir par la suite de cette omission et accomplir l'action requise.

Tant que l'auteur de l'innovation blâmable juge celle-ci bonne, il ne s'en repent pas. Cette règle n'est cependant pas absolue, car on ne peut tout à fait se repentir de l'innovation blâmable. Cela arrive quand Allah guide le serviteur et l'oriente jusqu'à ce que la vérité lui apparaisse de toute évidence comme Il a guidé ceux qu'Il a choisis parmi les mécréants, les hypocrites et les sectes hérétiques. Ce repentir se réalise quand l'innovateur suit ce qu'il sait de la vérité.

" Quand quelqu'un agit conformément aux enseignements qu'il apprend de la religion, Allah lui accorde un savoir qu'il n'avait pas acquis auparavant ".

(Voir Hilyat Al-Awliyâ 10/15)

Allah (exalté soit-Il) a dit en effet :

" Quant à ceux qui se mettent sur la bonne voie, Allah les guide encore plus et leur inspire la crainte pieuse ".

(Coran 47:17)

" S'ils s'étaient conformés à Nos exhortations, cela eût mieux valu pour eux et eût été plus à même de les affermir [dans la foi] et alors Nous leur eussions même accordé, venant d'auprès de Nous, une immense récompense et Nous leur eussions guidé sur une voie de rectitude ".

(Coran 4:66-68)

" Ô vous qui croyez ! Craignez Allah et Croyez en Son Messager ; Il vous accordent une double part de Sa miséricorde, vous dotera d'une lumière qui vous permettra d'avancer et Il vous pardonnera, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux ".

(Coran 57:28)

" Allah est l'Ami de ceux qui croient ; Il les fait sortir des ténèbres vers la lumière ".

(Coran 2:257)

" Vraiment il vous est venu de la part d'Allah une lumière et un Livre évident. Par lui, Allah guide dans les voies de la paix ceux qui cherchent à suivre ce qui mène à Sa satisfaction, les fait sortir des ténèbres vers la lumière, par Sa permission et les guide vers un chemin droit ".

(Coran 5:15-16)

Les preuves de ce genre sont nombreuses dans le Coran et la Sunna.

Quant à celui qui, emporté par ses passions, s'abstient de suivre la vérité qu'il connaît, cela le conduit à un état d'ignorance et d'égarement qui a jusqu'à aveugler son cœur sur la vérité manifeste. Allah le Très Haut dit en effet :

" Puis quand ils dévièrent, Allah fit dévier leurs cœurs et Allah ne guide pas les gens qui prévariquent ".

(Coran 61:5)

" Dans leur leur, il y a une maladie et Allah aggrave leur maladie ".

(Coran 2:10)

" Ils jurent par Allah, à grand renfort de serments, que si un signe miraculeux leur venait, ils y croiront sans hésiter. Dis : " En vérité les signes relèvent d'Allah Seul ! Qu'est-ce qui vous fait sentir que si un signe leur venait, ils croiraient vraisemblablement ? " Nous détournerons leurs cœurs et leurs yeux [de la guidance] parce qu'ils n'ont pas cru la première fois et Nous les laisserons s'égarer aveuglément dans leur outrance ".

(Coran 6:109-110)

Il s'agit là d'une question où il y a une négation [de l'existence de la foi en les associateurs] et un reproche [aux croyants]. C'est comme si Allah disait [aux croyants] : " Qu'est-ce qui vous fait savoir que si un signe leur venait, ils croiraient vraisemblablement. Nous détournons leurs cœurs et leurs yeux parce qu'ils n'ont pas cru la première fois ".

La particule de négation " lâ " dans le passage du verset : " lâ yu'minûn " n'a aucun effet dans la phrase comme dans le verset suivant : " mâ mana'aka an là tasjuda idh amartuk " (qu'est-ce qui t'empêche de te prosterner quand Je t'en ai donné l'ordre ?) (Coran 7:12) La particule " lâ " n'a ici aucun effet.

Selon la lecture " innahâ idhâ jâ'at " au lieu de annahâ idhâ jâ't ", il y a une affirmation catégorique que si le signe leur vient, ils ne croiront pas. " Nous détournerons leurs cœurs et leurs yeux [de la guidance] parce qu'ils n'ont pas cru la première fois et Nous les laisserons s'égarer aveuglément dans leur outrance ".

Selon cette lecture, on aura deux phrases distinctes : La première est la phrase interrogative wa mâ yush'irukum ? (qu'est-ce que vous en savez ?) et la deuxième phrase est innahâ idhâ jâ'at lâ yu'minûn (vraiment si un signe leur vient, ils ne croiront pas).

Voilà pourquoi certains Anciens et notamment Sa'îd Ibn Jubayr, ont dit : " L'accomplissement d'une bonne action appelle une autre bonne action après elle. La punition liée à une mauvaise action est la répétition d'une autre mauvaise action après elle ".

Source : Les voies du cheminement spirituel p.46-54 d'Ibn Taymiyya