Muhammad l'ultime Joyau de la Prophétie

Une délégation Qurayshite se rend chez Abû Tâlib

Ibn Ishâq a dit : " Des notables Qurayshites allèrent voir Abû Tâlib et s'adressèrent à lui dans les termes suivants : " Ô Abû Tâlib ! Ton neveu insulte nos dieux ; il critique notre religion, nous fait passer pour des insensés et annonce que nos aïeux étaient dans l'erreur ; il faut que tu le dissuades de continuer à agir de la sorte, sinon autorises-nous à l'empêcher de nous nuire, car tu es autant que nous en désaccord avec ce qu'il proclame ".

Abû Tâlib essaya d'apaiser leur colère en leur répondant poliment. Le Prophète ﷺ, cependant, ne cessa pas de prêcher la religion d'Allah et d'y appeler ses concitoyens.

Réunion d'un conseil consultatif en vue de détourner les pèlerins de l'Appel du Prophète ﷺ

En parallèle des inquiétudes suscitées par la prédication ouverte de la nouvelle religion, un autre problème préoccupait les Qurayshites. En effet, l'Appel publique à l'Islam venait de commencer, il n'y avait que quelques mois seulement, lorsque arriva la saison du Pèlerinage annuel. Ils savaient que les représentants des différentes tribus Arabes allaient prochainement venir à la Mecque. Ils se mirent donc d'accord pour mettre au point un stratagème propre à détourner les pèlerins Arabes de la foi nouvelle prêchée par le Prophète ﷺ. Ils allèrent trouver Al-Walîd Ibn Al-Mughîra afin de débattre de cette question. Al-Walîd les invita à parler d'une seule voix et de ne pas diverger au sujet du Prophète ﷺ. Cependant, leurs points de vue étaient nuancés ; on suggéra de dépeindre le Prophète ﷺ sous les traits d'un devin, d'un possédé, d'un poète ou d'un sorcier, mais toutes ces accusations furent rejetées par Al-Walîd qui dit : " Par Allah ! Ses paroles sont belles et gracieuses. Elles ressemblent au palmier qui donne des grappes de dattes délicieuses. Toutes vos paroles seront reconnues comme étant inconsistantes. L'accusation la plus plausible à l'encontre de Muhammad est qu'il est sorcier. Sa sorcellerie sépare l'homme de son père, de son frère, de son épouse et de sa famille ". L'assemblée des incroyants adopta cette opinion et fut d'accord pour la propager.

Selon certaines variantes, lorsque Al-Walîd réfuta toutes leurs propositions au sujet du Prophète, on lui demanda : " Donne-nous donc un avis d'où il ne résultera aucun dommage ! " Laissez-moi le temps de la réflexion. Il réfléchit longuement puis il leur donna l'avis mentionné plus haut.

Il faut noter à ce propos qu'Allah a révélé seize versets concernant Al-Walîd et la ruse qu'il voulait mettre en œuvre pour manipuler les pèlerins. Allah dit :

" Il a réfléchi et supputé ! Puisse t-il être tué à cause de ses supputations ! Puis qu'il soit tué pour ses supputations. Puis il regarda. Puis il fronça les sourcils et se renfrogna. Puis il tourna le dos et se remplit d'orgueil. Il dit : " Ce n'est là que sorcellerie qu'ils se transmettent les uns aux autres. Ce ne sont là que des paroles d'humains ".

(Coran 74:18-25)

Leur décision prise, les notables Qurayshites s'attelèrent à la tâche ; la saison du pèlerinage venue, ils abordaient les pèlerins, les mettant en garde contre le Prophète ﷺ. Le plus virulent d'entre eux fut Abû Lahab. Il suivait le Prophète ﷺ partout où il allait, criait à haute voix : " Ô hommes, ne l'écoutez pas, car il ment, c'est un apostat ". Néanmoins, le Prophète ﷺ parvint à ébranler les cœurs des pèlerins et quelques uns d'entre eux se rallièrent à son Appel.

Les différentes tentatives en vue d'enrayer la progression de l'Islam

Ayant bien saisi l'attachement de Muhammad ﷺ pour sa mission, mais voulant désespérément briser la vague de l'Appel à l'Islam, les Qurayshites se mirent à recourir à d'autres moyens d'action, bas et mesquins :

• La dérision, la dépréciation, la négation aux fins de pousser les adeptes de la nouvelle foi à la défection et à la démoralisation. Ainsi, les Qurayshites ne cessèrent de traiter le Prophète ﷺ de possédé ou de déséquilibré : Ils dirent : " Ô toi sur qui on a fait descendre le Livre de Rappel (le Coran), tu es vraiment un fou " (Coran 15:6) ; ils le traitèrent de sorcier et de menteur : " Et ils s'étonnèrent de voir venir à eux un avertisseur de leur propre race, et les mécréants de dire : " Celui-là est un magicien et un grand menteur " (Coran 38:4). Ils le fixaient de leurs regards hostiles débordant de haine et d'animosité : " Ceux qui ont mécru ne sont sûrement pas loin de te faire glisser avec leurs regards haineux depuis qu'ils ont entendu le Livre de Rappel et ils disent : " C'est vraiment un fou ! " (Coran 68:51).

Lorsque les musulmans les plus démunis, parce que n'appartenant pas à un clan puissant susceptible de les soutenir, entouraient le Messager d'Allah ﷺ, les négateurs les ridiculisaient. Ils disaient, comme cela est rapporté dans le Coran : " De nous tous est-ce donc ceux-là qu'Allah a comblés de Ses faveurs ? " Allah ne connaît-Il pas mieux ceux qui Lui rendent grâce " (Coran 6:53) ; " Ceux qui ont commis le crime se riaient de ceux qui avaient cru. Quand ils passaient devant eux ils se clignaient de l'œil, quand ils rentraient parmi les leurs, ils de délectaient de plaisanteries à leur compte. Quand ils se voyaient, ils disaient : " Ces gens font vraiment fausse route ". Or, ils n'avaient nulle mission de veiller à leur sauvegarde " (Coran 83:29-33).

• Déformer les enseignements de Muhammad ﷺ, soulever des arguments spécieux, faire circuler de fausses informations, lancer des accusations infondées contre l'Islam et la personne de l'Envoyé d'Allah ﷺ, et amplifier tout cela au point que les gens ne puissent plus avoir une compréhension saine de la foi nouvelle. Concernant le Coran, ils le calomniaient de la façon suivante : " Et ils dirent : " Vieilles sornettes qu'il s'est fait mentionner par écrit et qu'on lui récite matin et soir " (Coran 25:5) ; " Ceux qui avaient mécru dirent : " Ce n'est là qu'un mensonge qu'il a fabriqué de toutes pièces et où l'ont aidé d'autres gens " (Coran 25:4) ; " C'est un être humain qui l'inspire et rien d'autre " (Coran 16:103). A propos du Prophète ﷺ, ils soulevèrent aussi une objection superficielle et sans fondement : " Ils dirent : " Qu'a donc ce Messager à manger ce dont nous mangeons et à circuler dans les marchés ? " (Coran 25:7). Le Noble Coran a réfuté avec vigueur leurs accusations et allégations.

• Comparer le Coran aux fables des anciens afin de détourner l'intérêt que les gens pourraient porter aux paroles d'Allah.

Un jour An-Nadr Ibn Al-Hârith s'est adressé aux Qurayshites de la manière suivante : " Ô Quraysh ! Vous êtes actuellement confrontée à un phénomène sans précédent face auquel vous avez été jusqu'à ce jour désespérément impuissants. Muhammad a grandi ici parmi vous et s'est toujours montré très obligeant, il a été le jeune homme le plus sincère et le plus digne de confiance dans cette cité. Cependant, lorsqu'il est parvenu à l'âge de pleine maturité, il a commencé à prêcher une fois nouvelle et étrangère à votre société, et il s'est opposé à ce qui vous est cher, c'est pourquoi vous l'avez dénoncé tour à tour comme étant un sorcier, un devin, un poète ou même un dément. Je jure par Allah qu'il n'est rien de tout cela. Il n'est, en effet, pas enclin à souffler sur les nœuds, à la différence des sorciers. Ce n'est pas un devin, car nous connaissons l'agitation des devins ainsi que leur prose cadencée. Il n'est pas non plus un poète, ses paroles ne ressemblent en rien à la poésie et il n'est pas fou puisqu'il n'a jamais tenu de propos incohérents propres aux déséquilibrés. Ô gens de Quraysh, cette question est vraiment sérieuse et je vous recommande de reconsidérer votre manière de voir ".

Il a été rapporté qu'An-Nadr se rendit plus tard, dans la région d'Al-Hîra, où il apprit les traditions des rois de Perse et les récits concernant des hommes tels que Rustum et Asphandiar. De retour à la Mecque, il suivit pas à pas le Messager ﷺ lors de ses déplacements lorsque ce dernier allait prêcher la foi nouvelle et mettre les gens en garde contre le courroux d'Allah. Après chaque discours du Messager d'Allah ﷺ, An-Nadr s'adressait à ceux qui venaient de l'écouter, et il leur racontait de longues légendes Perses, puis il terminait son intervention en demandant insidieusement à l'assemblée s'il avait réussi à surpasser Muhammad ﷺ dans le domaine de l'art oratoire.

Ibn Abbâs (qu'Allah soit satisfait de lui) a rapporté qu'An-Nadr avait acheté des esclaves chanteuses qui, par leur charme, éloignaient de l'Islam certaines personnes qui accordaient de l'attention au Prophète ﷺ. A ce propos, Allah dit : " Parmi les gens, il en est qui achètent la distraction des verbiages futiles afin d'égarer les autres de la voie d'Allah " (Coran 31:6).

• Tenter de dissuader le Prophète ﷺ de demeurer fermement attaché à ses principes en l'invitant à conclure le compromis suivant : il devrait renoncer à une partie de la nouvelle religion et les Qurayshites en feraient de même vis à vis de leurs pratiques préislamiques. Allah dit à ce propos : " Ils auraient bien voulu que tu sois accommodant avec eux (en matière de religion) pour qu'ils le soient avec toi-même " (Coran 68:9).

D'après Ibn Jarîr et At-Tabarânî, les idolâtres proposèrent au Prophète ﷺ d'adorer leurs fausses divinités pendant une année, tandis qu'eux adoreraient Allah l'année suivante et ainsi de suite. Selon une autre version, rapportée par Abd Ibn Humayd, ils dirent : " Si tu acceptes nos idoles, nous adorerons ton Dieu ".

Ibn Ishâq a rapporté qu'un groupe de polythéistes influents composé d'Al-Aswad Ibn Al-Muttalib Ibn Asad Ibn Abd Al-Uzzâ, d'Al-Walîd Ibn Al-Mughîra, d'Umayya Ibn Khalaf et d'Al-Âs Ibn Wâ'il As-Sahmî, vint à la rencontre du Prophète ﷺ alors qu'il effectuait des circumambulations autour de la Ka'ba, il lui signifia que les Qurayshites étaient disposés à adorer ce qu'il adorait s'il faisait de même envers leurs divinités. Il ajouta ceci : " Si le Seigneur que tu adores est meilleur que nos idoles, alors cela nous sera profitable, mais si nos dieux s'avèrent être meilleurs que le tien, alors en tireras des bénéfices ". C'est à leur sujet qu'Allah révéla la sourate 109 - Les infidèles : " Dis : " Ô vous les mécréants, Je n'adore pas ce que vous adorez. Et vous n'adorez pas ce que j'adore. Et je ne suis pas disposé à adorer ce que vous avez adoré. Et vous n'êtes pas disposés à adorer ce que j'adore. A vous votre religion et à moi la mienne " (Coran 109 :1-6). Cette sourate mit fin à leurs négociations ridicules.

Il est possible que la divergence des variantes à ce sujet soit due au fait que les Qurayshites ont tenté ces marchandages à maintes reprises.