Califat de Umar Ibn Al-Khattâb

On rapporte qu'un jour, il sortit en portant une lourde cruche d'eau sur ses épaules. Lorsqu'on lui fit remarquer, il dit : " Mon âme a eu un moment d'égoïsme et j'ai donc voulu l'humilier pour la punir ". Umar avait pour habitude de diriger la prière du Ischâ' puis de rentrer chez lui pour ensuite prier jusqu'à l'aube. Durant l'année de la famine, Umar ne se nourrissait que d'huile et de pain au point que sa peau prit une couleur sombre. Il disait alors : " Quel mauvais dirigeant je suis si je mange à ma faim alors que les gens endurent la famine ! " A force de pleurer, deux traits sombres s'étaient formés sous ses yeux. Il lui arrivait d'entendre un verset du Coran qui le touchait tellement qu'il en perdait conscience. On le transportait alors inconscient chez lui et les gens lui rendaient visite dans qu'il ne souffre d'aucune maladie, si ce n'est le choc provoqué par sa crainte d'Allah.

(Voir Tafsîr Al-Qur'ân Al-Aldhîm d'Ibn Kathîr 7/407, exégèse de la sourate At-Tûr du verset 7 et Ad-Durr Al-Manthûr d'As-Suyûtî 6/118)

Talhah Ibn Ubayd Allah a dit : Umar sortit une fois dans la pénombre de la nuit et s'introduit dans une demeure. Le lendemain matin, je me rendis à cette maison et j'y trouvai une vieille femme aveugle et infirme à qui je demandai : " Pourquoi cet homme vient-il te voir ? " Elle répondit : " Il vient me voir régulièrement depuis un certain temps. Il m'apporte des biens de première nécessité et nettoie la maison ". Je me dis alors : " Que ta mère te perde ô Talhah ! Chercherais-tu à découvrir des péchés que Umar commettrait ? "

Aslam, l'esclave affranchi de Umar dit : Un groupe de commerçants vint à Médine et s'installa pour la nuit dans la mosquée. Umar dit à Abd Ar-Rahmân Ibn Awf : " Que dis-tu de monter la garde pour eux cette nuit ? " Abd Ar-Rahmân acquiesça. Ils passèrent donc la nuit à monter la garde et à prier. Umar entendit tout à coup les pleurs d'un nourrisson. Il se rendit à l'endroit d'où provenait les cris de l'enfant et dit à sa mère : " Crains Allah et soit bienveillante envers ton enfant ". Il retourna ensuite à son poste. En entendant à nouveau les cris du nourrisson, il se rendit derechef auprès de la mère, lui fit la même injonction et retourna monter la garde. Vers la fin de la nuit, il entendit l'enfant pousser de nouveaux cris. Il se rendit alors auprès de la mère et lui dit : " Malheur à toi ! Quelle mauvaise mère tu es ! Qu'a donc ton fils ?! Il n'a pas cessé de pleurer la nuit durant ! " Elle répondit : " Serviteur d'Allah ! J'essaye tant bien que mal de le distraire afin de le sevrer, mais il refuse ". Umar demanda : " Pourquoi donc cherches-tu à le sevrer ? " Elle répondit : " Car Umar n'accorde d'allocation qu'aux enfants sevrés ". Il demanda : " Et quel âge a ton fils ? " Elle répondit : " Quelques mois ". Il lui dit : " Écoute moi, ne le sèvre pas si tôt ". Quand il dirigea la prière du Fajr, les gens ne purent comprendre les versets qu'il récitait tellement il pleurait. Il déclara après la prière : " Malheur à Umar ! Combien d'enfants musulmans a t-il fait mourir de faim ? " Il ordonna ensuite à son héraut de faire la déclaration publique suivante : " Ne sevrez pas vos nourrissons prématurément, car désormais tout enfant né musulman aura droit à une allocation ". Et il fit transmettre cet ordre aux quatre coins de l'empire musulman.

(Rapporté par Ibn Sa'd dans At-Tabaqât 3/301)

Aslam a dit : Je sortis une nuit avec Umar dans les environs de la ville de Médine. Nous apercûmes au loin une chaumière vers laquelle nous nous dirigeâmes. Nous y trouvâmes une femme en larmes et sur le point d'accoucher. Umar la questionna pour en savoir plus à son sujet. Elle répondit : " Je suis une femme arabe qui ne possède rien ". Touché, Umar se mit à pleurer et revint chez lui au pas de course. Il dit à sa femme Umm Kulthûm fille de Alî Ibn Abî Tâlib : " Es-tu intéressée par une récompense qu'Allah t'apportes sur un plateau ? " Et il lui décrivit ce dont il venait d'être témoin. Elle répondit : " D'accord ". Umar chargea alors sur son dos un sac de blé et de la graisse. Quant à Umm Kulthûm, elle prit avec elle ce dont elle aurait besoin pour assister la femme en question dans son accouchement. Arrivés devant la chaumière, Umm Kulthûm s'y introduisit et Umar resta à discuter avec le futur père. La femme accoucha d'un garçon et Umm Kulthûm dit : " Ô commandeur des croyants ! Annonce la bonne nouvelle à ton compagnon que c'est un garçon ". Lorsque le père entendit ces propos, il en fut tout interloqué et se confondit en excuses après de Umar, mais ce dernier lui dit de ne pas s'en faire. Il remit au couple une somme d'argent, des biens de première nécessité et s'en alla.