Taysîr Al-Karîm Ar-Rahmân - As-Sa'dî

" Et il dit, au cours d'une conversation à son compagnon : " Je suis plus riche que toi et plus puissant aussi grâce à mon clan ". Il entra dans son jardin et se fit tort à lui-même en disant : " Je ne pense pas que ce jardin puisse jamais dépérir ; et je ne crois pas que l'heure du Jugement dernier puisse sonner un jour. Et si, ma foi, je dois retourner à mon Seigneur, j'aurai certainement un sort bien meilleur ! " Son compagnon qui conversait avec lui répliqua : " Aurais-tu renié Celui qui t'a créé de poussière, puis de sperme et qui, ensuite, t'a donné ta forme humaine ? Pour moi, c'est Allah qui est mon Seigneur auquel je n'associe personne. Que n'as-tu dis en entrant dans ton jardin : " Telle est la volonté d'Allah ! Il n'y a de puissance qu'en Allah ! " Et si tu vois que je suis moins pourvu que toi en biens et en enfants. Il se peut que mon Seigneur me donne quelque chose de meilleur que ton jardin et qu'Il envoie sur ce dernier une calamité du ciel, qui le réduise en terrain stérile ; ou que l'eau qui l'arrose tarisse sans que tu puisses jamais la retrouver. Or, sa récolte fut détruite et il ne lui restait plus qu'à se tordre les mains de regret, en pensant à toutes les dépenses qu'il avait effectuées et en se lamentant sur les treilles complètement ravagées. Plût à Allah, gémissait-il, que je n'eusse jamais donné d'associés à mon Seigneur ! Et il ne trouva aucun parti pour le secourir contre Allah, pas plus qu'il ne put se secourir lui-même, car en pareil cas, la souveraine protection n'appartient qu'à Allah qui est la Vérité suprême et qui accorde la meilleure récompense et assure la fin la plus heureuse ".

(Sourate Al-Kahf versets 34-44)

Le cheikh Abd Ar-Rahman As-Sa'dî (qu'Allah lui fasse miséricorde) dit dans l'explication des versets :

Le Très Haut dit à Son Prophète ﷺ : Donne un exemple aux hommes à travers le cas de ces deux hommes : celui qui rend grâce aux bienfaits d'Allah et celui qui les renie, et ce qui découle de leur comportement, comme paroles et actes, ainsi que les conséquences qui en résultent comme châtiment présent et à venir ainsi que comme récompense, afin qu'ils tirent des enseignements de leur récit. Ce n'est pas la connaissance de la vie de ces deux hommes ou de l'époque et du lieu où ils ont vécu qui nous intéresse ici, mais ce qui découle de leur récit. Vouloir aller au-delà de cela, c'est s'imposer des choses impossibles à assumer. L'un de ces deux hommes [mécréant] qui renie les bienfaits majestueux d'Allah s'est vu attribuer deux jardins plantés de vignes par Allah " que Nous avons entourés de palmiers ". C'est à dire que ces deux jardins contiennent toutes sortes de fruits, notamment les plus nobles des arbres, à avoir : la vigne et le palmier. La vigne au milieu et le palmier aux alentours, ce qui donnait une vue splendide et admirable. La vigne et les palmiers étaient exposés au soleil et aux vents grâce auxquels les fruits mûrissaient. En plus de cela, Il a mis entre ces arbres des champs ensemencés. Il ne restait plus qu'à dire : Comment étaient faits les fruits de ces deux jardins et avaient-ils suffisamment d'eau ? Le Très Haut nous dit que les deux jardins " produisaient de bonnes récoltes ", des récoltes doubles " sans la moindre défaillance ", c'est à dire leurs récoltes n'ont jamais diminué ni fait défaut, puisque des ruisseaux coulaient entre eux, abondants et nombreux. " Il récolta donc " cet homme " ses fruits " qu'il fit une grande récolte, après qu'elle arriva à maturité sans subir de dégâts ou de préjudices, ce qui le rendit arrogant et infatué, oubliant son Au-delà.

Le propriétaire des deux jardins dit à son compagnon [croyant] alors qu'ils discutaient, en s'enorgueillissant devant lui : " Je suis plus riche que toi et plus puissant aussi grâce à mon clan ". Il tira orgueil de l'immensité de sa richesse et de la puissance de ses alliés, comme les esclaves, les domestiques et les proches. C'est là une ignorance flagrante de sa part, car comment tirer orgueil d'une chose exogène pour laquelle on n'a aucun mérite psychologique ou moral, comme le fait le garçon qui se vante de choses fictives et chimériques. Cette arrogance ne lui ayant pas suffi, il finit par montrer son ignorance et son iniquité, en avouant une fois entré dans son jardin : " Je ne pense pas que ce jardin puisse jamais dépérir ". C'est à dire s'abîmer et disparaître. Il s'est senti serein dans ce bas monde et s'est satisfait de ses délices en niant la Résurrection en ces termes : " et je ne crois pas que l'heure du Jugement dernier puisse sonner un jour. Et si, ma foi, je dois retourner à mon Seigneur " c'est à dire à supposer que je retourne vraiment "j'aurai certainement un sort bien meilleur ! " Il me donnera des biens meilleurs que ces deux jardins. De deux choses l'une :

1. Soit cet homme savait ce qu'il disait et était conscient de la situation, mais ironisait et tournait en dérision son compagnon, en aggravant son cas de mécréance,
2. Soit il doutait vraiment en faisant preuve de l'ignorance la plus flagrante.

Comment, en effet, faire un parallèle entre le don de ce bas monde et celui de l'Au-delà, au point de penser que celui qui a reçu un don dans ce bas monde en recevra forcément dans l'Au-delà ? Bien au contraire, dans la plupart des cas, Allah prive Ses amis et Ses élus des biens de ce bas monde et les donne en abondance à Ses ennemis qui n'auront aucune part dans l'Au-delà. Il semble plutôt qu'il était conscient de la situation, mais qu'il faisait preuve d'ironie et de plaisanterie, comme le prouve Sa parole : " Il entra dans son jardin et se fit tort à lui-même ". En disant qu'il fit preuve d'injustice en entrant dans son jardin avant de discuter avec son compagnon, cela prouve son intention et ses desseins.