Ceci est notre religion - M. Ghazâlî

La foi est bien au-dessus de ce que beaucoup de gens s'imaginent.

Ce n'est pas l'opinion d'une personne parmi d'autres, un jugement sur question, l'adoption théorique d'une philosophie donnée ou l'influence psychologique d'une certaine forme d'art.

Il s'agit d'une interaction sérieuse entre deux parties, dont l'une est le Vivant, l'Immuable et d'une relation qui tire l'Homme de ses replis les plus profonds et de ses conditions les plus apparentes vers Celui qui lui a donné l'existence à partir du néant et l'a éduqué pour qu'il ne se perde pas.

Tout comme le chômeur qui s'engage dans un nouvel emploi lui prenant tout son temps et garantissant sa sécurité présente et à venir, l'être humain s'accroche au cortège de la foi.

Il se lève et se couche en étant préoccupé par les devoirs de sa nouvelle condition et les moyens de s'en acquitter avec succès.

Le Coran sublime a démontré qu'avant l'appel d'Allah, les hommes étaient semblables à des morts.

Leur obéissance aux Envoyés a été comme l'apparition d'une aube nouvelle dans leurs âmes, leurs idées, leurs moeurs et leurs conduites.

Le Très Haut déclare :

" Ô vous qui croyez !

Répondez à Allah et au Messager lorsqu'il vous appelle à ce qui vous donne la (vraie) vie ".

(Coran 8:24)

La véritable vie n'est pas faite de chair et de sang ; elle ne consiste pas non plus à gonfler ses muscles et à montrer sa force de frappe.

Cette vie est celle que partagent les humains, les fauves, les animaux et les reptiles ; voire les bestiaux en ont peut-être la plus grande part.

La véritable vie consiste en cette relation qu'on développe avec Allah après L'avoir connu ; c'est cette nouvelle disposition à l'égard des injonctions et des interdictions d'Allah, après que la langue a proclamé de prime abord :

" Seigneur !

Nous avons entendu l'appel de celui qui a appelé ainsi à la foi : " Croyez en votre Seigneur " et dès lors nous avons cru ".

(Coran 3:193)

Grâce à cette libre affirmation, le croyant ne tarde pas à se transporter dans un nouvel univers où il soumet sa face à Allah seul et de déplace à la surface de cette terre en conformité avec ce que son Maître requiert de lui.

Désormais, quand il se déploie, se recroqueville, aime, déteste, fait la paix ou part en guerre, il est limité par les règles du licite et de l'illicite, de la récompense et de la punition.

Il est tenu de chercher à se rapprocher de son Seigneur et à craindre de s'éloigner de Lui.

Cette foi engendre une vie entièrement nouvelle.

On considère qu'un sauvage égaré dans un endroit perdu de l'Afrique est un rustre par rapport à son frère de tribu, savant atomiste dans le plus évolué des environnements.

L'idée que chacun d'eux se fait de l'existence et de la vie diffère fondamentalement. De toute évidence, il existe entre l'un et l'autre un fossé d'arriération.

Cet éloignement caractérise aussi la distance séparant un homme qui connaît Allah d'un autre, qui L'ignore.

Cet homme insouciant de son Seigneur, quel que soit le degré de sa réussite matérielle, est un animal égaré.

Il est peut-être un animal intelligent dans certains domaines, mais son ignorance d'Allah le fait chuter au rang des plus viles créatures.

Non seulement il est arriéré, mais en plus il est mort [au point de vue spirituel], quand même il volerait dans l'espace.

L'ignorance d'Allah représente les ténèbres les plus sombres et les plus tristes, et c'est pour cette raison qu'Allah dit :

" Est-ce que celui qui était mort et que Nous avons ramené à la vie et à qui Nous avons assigné une lumière grâce à laquelle il marche parmi les gens, est pareil à celui qui est dans les ténèbres sans pouvoir en sortir ?

Ainsi on a enjolivé aux mécréants ce qu'ils oeuvrent ".

(Coran 6:122)

La différence entre le croyant et le mécréant se précise à travers cette description donnée par le verset précédent : le croyant a une lumière avec laquelle il marche au milieu des hommes.

Mais quelle est donc cette lumière qui jaillit d'une vie pieuse ?

Elle illumine la conscience qui rayonne dans son for intérieur de sorte à lui faire distinguer le bien du mal et le convenable du blâmable.

Qu'est-ce qui fait prévaloir la foi et permet d'atteindre un statut honorable si ce n'est cette caractéristique ?

Ceux qui sont coupés d'Allah ne sont attirés que par la vie de ce bas monde et certains de ses objectifs.

C'est sans scrupule qu'ils tuent, trichent, mentent et dupent autrui.

Quant à ceux qui maintiennent leur lien avec Allah, ce sont des gens en quête de la perfection, de l'équité, de la chasteté et de la piété.

La bénédiction ne se répand sur terre et la sérénité au sein de la société qu'à l'ombre de cette foi, laquelle poursuit sa voie avec la garantie du ciel.

" L'aveugle et celui qui voit ne sont pas semblables ni les ténèbres et la lumière ni l'ombre et la chaleur ardente.

De même, ne sont pas semblables les vivants et les morts. Allah fait entendre qu'Il veut, alors que toi [Muhammad], tu ne peux faire entendre ceux qui sont dans les tombeaux ".

(Coran 35:19-22)

Oui, la foi c'est la vie.

Le Prophète (sallallahu 'alayhi wa sallam) a comparé l'effet de la foi sur les âmes à celui de la pluie sur la terre : " La voie droite et la science avec lesquelles Allah m'a envoyé sont semblables à une pluie abondante se déversant sur une terre ; certaines parcelles de terre sont fertiles, absorbent l'eau afin que les herbes et les plantes poussent en quantité ".

Pourquoi la révélation a t-elle été appelée âme [rûh], si ce n'est parce qu'elle revivifie les coeurs morts et redonne la vue aux consciences aveugles ?

Certes, le critère qui distingue la foi authentique de la foi factice est que grâce à l'une, l'individu renaît une nouvelle fois et connaît une vie de rectitude, alors qu'avec l'autre, il ne fait rien.

L'une se transforme en une force qui l'incite à faire le bien et à secourir la vérité ; elle devient une énergie qui pousse sa machine dans un mouvement circulaire.

L'autre en revanche, ne fait rien du tout.

La première refaçonne l'entité humaine de telle manière que l'Homme se soumette à Allah en ce monde. C'est en Son nom qu'il y entre et en Son nom qu'il en sort.

Avec l'autre, l'être humain ne fait que suivre ses passions, sans plus.

Si les Etats luttent contre la fausse monnaie qui circule entre les gens dans le but de maintenir la valeur des choses et combattre les gens oisifs et les voleurs, à plus forte raison doivent-ils poursuivre la fausse foi afin de sauvegarder la valeur de la vraie foi, ainsi que ses effets bénéfiques, tant sur le plan matériel que spirituel.

Il nous suffit de raisonner un instant pour comprendre que la sauvegarde de l'authenticité de la foi est plus importante que la stabilité de l'or, de l'argent ou de toute valeur qui les représente.

Le Coran nous fournit les preuves explicatives. Dans la vie engendrée par la foi, il n'y a de place ni pour le doute ni pour la défiance, quelque obscure soit l'atmosphère et aussi morose soit l'horizon.

Au contraire, il appartient aux croyants de se serrer les coudes et de faire preuve de patience :

" Les vrais croyants sont seulement ceux qui croient en Allah et en Son messager,

qui par la suite ne doutent point ".

(Coran 49:15)

Les attitudes pour manifester sa foi ne se limitent pas à une seule manière d'agir. On est toujours tenu de se soumettre aux fardeaux imposés par le droit, aussi diverses soient les conditions.

A titre d'exemple, certains sont amenés à se déplacer d'un endroit à un autre, tandis que d'autres sont tenus de rester là où ils se trouvent et de mettre leur richesse à contribution.

" Et ceux qui ont cru, émigré et lutté dans le sentier d'Allah, ainsi que ceux qui leur ont donné refuge et porté secours, ceux-là sont les vrais croyants : à eux, le pardon et une récompense généreuse ".

(Coran 8:74)

Il est impossible dans une vie régie par la foi, de voir passer l'erreur sans qu'elle ne soit poursuivie par le blâme, ou que la tortuositée subsiste sans qu'un conseiller ne la prenne en main, quel qu'en soit le prix à payer et quel que soit le temps que cela prendra.

Le trait caractéristique des croyants, afin d'éviter la déroute, consiste à se recommander mutuellement la vérité et la patience.

Il arrive que des gens, craignant la main de fer des tyrans, se soumettent à ces derniers ou que séduits par la douceur de la vie, ils fléchissent.

Or, la foi authentique ne recherche que la satisfaction d'un seul et ne s'inquiète que de la colère d'un seul :

" Les vrais croyants sont ceux dont les coeurs frémissent quand on mentionne Allah.

Et quand Ses versets leur sont récités, cela fait augmenter leur foi ".

(Coran 8:2)

Il est des gens qui s'évertuent à consolider leur situation personnelle dans quelque entreprise que ce soit, car ils cherchent à captiver les coeurs en recourant à tous leurs talents.

A notre époque, la pratique répandue consiste à ce que l'individu s'adonne à l'adoration des foules et vice versa.

En revanche, l'être humain n'accorde aucune place au fait de briguer l'attention d'Allah dans ses faits et gestes ou de rechercher son agrément dans ce qu'il achète ou vend.

C'est l'essence même de l'ostentation qui annule les actes et révèle combien les coeurs sont dépouillés de la notion de bien.

Al Junayd a déclaré : " Si un serviteur se présentait avec la pauvreté d'Adam, l'ascétisme de Jésus, la force de Job, l'obéissance d'Yahâ [Jean], la rectitude d'Idrîs [Enoch], l'affection de l'Ami intime Abraham et le bon caractère du Bien aimé Muhammad, tout en ayant un atome de foi dans le coeur dédiée à un autre qu'Allah, Allah n'aurait aucun besoin de lui ".

- Fin de citation -

En vérité, si l'ostentation se colle au coeur et le subjugue, elle tue la foi et efface la récompense.

Quand la pluie tombe sur une terre fertile, elle révèle sa prédisposition à la croissance et au bien ; lorsqu'elle tombe sur un rocher, elle laisse apparaître sa dureté ainsi que sa nature sèche et inhospitalière.

C'est la parabole qu'Allah cite de l'ostentateur :

" Il ressemble à un rocher recouvert de terre ; qu'une averse l'atteigne, elle le laisse dénué. De pareils hommes ne tireront aucun profit de leur actes.

Et Allah ne guide pas les gens mécréants ".

(Coran 2:264)