Taysîr Al-Karîm Ar-Rahmân - As-Sa'dî

" Peut-on comparer à un aveugle celui qui est convaincu que ce que ton Seigneur t’a révélé représente bien la vérité ? Mais seuls en saisissent le sens ceux qui sont doués d’intelligence  ceux qui respectent leur engagement envers Allah et ne violent pas la foi jurée ceux qui maintiennent les liens qu’Allah a ordonné de maintenir, qui craignent leur Seigneur et redoutent une mauvaise reddition de leur compte ceux qui se montrent patients pour être agréables à leur Seigneur, qui accomplissent la prière, qui font des prélèvements sur les biens que Nous leur avons donnés, pour faire des aumônes en secret et en public, et qui repoussent le mal par le bien. A tous ceux-là sont réservés, comme demeure finale les jardins d’Éden où ils entreront avec tous ceux de leurs pères, de leurs conjoints et de leurs enfants qui auront accompli de bonnes œuvres. Et les Anges accourront de tous côtés pour les recevoir " Que la paix soit avec vous ! leur diront-ils. Recevez comme prix de votre patience cette belle demeure qui sera éternellement vôtre !"
(Sourate Ar-Ra’d versets 19-24)

Le cheikh Abd Ar-Rahman As-Sa'dî (qu'Allah lui fasse miséricorde) dit dans son l'explication des versets :

Le Très Haut dit en distinguant entre ceux qui choisissent la science et les bonnes œuvres et ceux qui agissent contrairement à cela : " Petit-on comparer à un aveugle celui qui est convaincu que ce que ton Seigneur t’a révélé représente bien la vérité ", c’est à dire celui qui a compris cela en œuvrant en ce sens à celui qui ne connaît pas la vérité et n’agit pas en ce sens ; entre eux il y a une distance égale à celle qui existe entre le ciel et la terre ; il importe donc à l’homme de réfléchir et de comparer entre les deux situations pour voir qui des deux est meilleure et préférable, en optant pour elle et en suivant ceux qui l’empruntent. Mais ce n’est pas tout le monde qui réfléchit à ce qui lui est utile ou inutile.

Mais seuls en saisissent le sens ceux qui sont doués d’intelligence, c’est à dire les gens raisonnables et à la justesse de vue, qui sont le cœur du monde et l’élite des enfants d’Adam ; si tu cherches une description les concernant, tu ne trouveras pas une description meilleure que celle d’Allah qui dit à leur sujet : " Ceux qui respectent leur engagement envers Allah", c’est à dire l’engagement qu’Allah a pris d’eux afin qu’ils s’acquittent totalement de Ses droits ; respecter cet engagement, c’est œuvrer à son accomplissement et à sa perfection ; en outre, une des marques de l’accomplissement de cet engagement est que ces gens-là " ne violent pas la foi jurée ", c’est à dire le pacte pour lequel ils ont juré fidélité à Allah ; ce pacte comprend tous les engagements, serments, foi et vœux, contractés par les hommes; par conséquent, l’homme ne peut être considéré comme faisant partie des gens doués d’intelligence qui obtiendront une immense récompense qu’une fois qu’il aura respecté ces choses là sans les transgresser ou les négliger.

Ceux qui maintiennent les liens qu’Allah a ordonné de maintenir. Ce verset concerne tout ce qu’Allah a ordonné de maintenir et de préserver, comme la foi en Lui et en Son Messager ﷺ, Son amour ainsi que celui de Son Messager ﷺ, la soumission à Lui et Son adoration Seul sans associé ainsi que l’obéissance à Son Messager   ; il concerne ceux qui maintiennent les liens avec leurs pères et mères en étant bienveillants avec eux par les paroles et les actes et en s’abstenant de leur désobéir, qui maintiennent les liens avec les proches et les membres de la famille en étant bienfaisants envers eux par les paroles et les actes et qui maintiennent les liens avec les épouses, les amis et les domestiques, en leur donnant leurs droits de façon totale et complète, parmi les droits religieux et profanes.

La cause qui incite l’homme à maintenir les liens qu’Allah a ordonné de maintenir est la crainte révérencielle d’Allah et celle du Jour de la reddition des comptes.C’est pour cela qu’Il dit : " Qui craignent leur Seigneur ", c’est à dire que leur crainte de leur Seigneur et de leur comparution devant Lui le Jour de la reddition des comptes, les empêche de commettre des péchés, de désobéir à Allah ou de négliger quoi que ce soit de ce qu’Allah a ordonné de faire, par crainte du châtiment et espoir en la récompense divine.

Ceux qui se montrent patients devant les ordres en les appliquant, devant les interdits en les évitant et en s’en éloignant et devant les épreuves douloureuses d’Allah en s’abstenant de s’en irriter et de les contester.

Cependant, à condition que cette patience soit pratiquée " pour être agréables à Allah " et non pour des desseins ou des buts erronés et tronqués; cette patience utile à laquelle s’astreint l’homme par recherche de la satisfaction de son Seigneur, espoir de se rapprocher de Lui et d’obtenir Sa récompense est une des caractéristiques des gens de foi ; quant à la patience qui a pour but de montrer sa fermeté et dont la finalité est de faire preuve d’ostentation, elle peut résulter aussi bien du vertueux que du dépravé, du croyant comme du mécréant ; ce n’est pas cette forme de patience qui est louée réellement.

Qui accomplissent la prière  avec ses fondements, ses conditions et les choses qui la perfectionnent, extérieurement et intérieurement " qui font des prélèvements sur les biens que Nous leur avons donnés, pour faire des aumônes en secret et en public", que ce soit les aumônes obligatoires, comme la zakât et les expiations, ou les aumônes surérogatoires ; ils dépensent de leurs biens à chaque fois que la nécessité les appelle à le faire, en secret ou en public " et qui repoussent le mal par le bien ", c’est à dire que ceux qui leur font du tort par des paroles ou des actes, ils ne les traitent pas de la même manière, mais se montrent bienveillants envers eux. Ils donnent à ceux qui les privent, pardonnent à ceux qui les oppriment, se tournent vers ceux qui se détournent d’eux et se montrent bienveillants envers ceux qui leur font du tort. S’ils se montrent bienveillants envers ceux qui leur font du tort, que dire de ceux qui leur font du bien ?

A tous ceux-là, c’est à dire ceux dont on vient de décrire les vertus majestueuses et les mérites admirables " sont réservés, comme demeure finale, les jardins d’Éden ", c’est à dire une demeure d’où ils ne sortiront jamais et à laquelle ils ne préféreront aucune autre demeure, car ils ne verront pas d’autre aspiration ou d’autre quête plus haute et plus grande, en ce qu’elle contient comme félicité et béatitude et comme finalité de toute quête et de tout but.

Parmi les marques de leur félicité et de leur allégresse, est qu’ils y " entreront avec tous ceux de leurs pères " c’est à dire leurs deux parents " de leurs conjoints ", c’est à dire les époux ou les épouses, ainsi que leurs semblables, leurs compagnons et leurs bien-aimés, qui font partie de leurs conjoints et de leurs enfants." Et les Anges accourront de tous côtés pour les recevoir ", leur souhaiter la bienvenue et les féliciter pour leur salut et la grâce d’Allah qu’ils viennent d’obtenir, en leur disant : " Que la paix soit avec vous !", c’est à dire que la paix et le salut d’Allah viennent de vous être accordés, ce qui implique la disparition de toute chose abhorrée et l’obtention de toute chose désirée " Recevez comme prix de votre patience ", c’est à dire que c’est votre patience qui vous amène à ces hautes demeures et ces somptueux jardins " cette belle demeure qui sera éternellement vôtre ", Il importe à celui qui veut faire partie de ces gens-là de lutter contre les passions de son âme dans l’espoir qu’elle s’imprègne autant que faire se peut des vertus des gens doués d’intelligence et dans l’espoir qu’elle obtienne cette demeure qui est le but et la quête des âmes ainsi que la joie des esprits, cette demeure qui réunit toutes les formes de plaisirs et d’allégresse ; c’est pour une telle demeure que doivent œuvrer ceux qui œuvrent et que doivent rivaliser ceux qui rivalisent.