Des Hommes autour du Prophète

Afin de maintenir et de parfaire sa piété, Sa'd se montrait intransigeant sur l'origine licite de ses biens. Il s'abstenait d'acquérir le moindre dirham dont l'origine était douteuse. Sa'd était aussi un homme fortuné. Il comptait parmi les plus riches musulmans de son époque et avait laissé après sa mort une fortune considérable. Bien qu'il soit rare de devenir riche tout en restant entièrement dans le licite, nous pouvons affirmer que Sa'd a réussi son pari en conciliant les deux. Il ne fait aucun doute qu'Allah lui a accordé de nombreux bien sans qu'il ne tombe dans l'illicite. Mais Sa'd était aussi connu pour être un exemple de générosité. En effet, on le connaissait pas uniquement comme un riche commerçant sachant faire le départ entre le licite et l'illicite, mais on le connaissait aussi, voire davantage, pour être un fervent croyant donnant de ses biens dans la voie d'Allah.

On rapporte que Sa'd tomba malade lors du pèlerinage d'adieu et que le Prophète (Salla Allah 'alayhi wa sallam) lui rendit alors visite. Sa'd en profita pour lui poser la question suivante :

" Ô Envoyé d'Allah ! Je suis au plus mal, comme tu peux le voir, j'ai de la fortune et n'ai d'autre héritier qu'une fille. Puis-je faire l'aumône des deux tiers de mes biens ? " - " Non, répondit-il " - " Et de la moitié ? " - " Non, répliqua t-il " - " Et du tiers ? " - " Tu peux disposer du tiers, et le tiers c'est beaucoup. Il vaut mieux laisser tes héritiers riches que de laisser pauvres tendant les mains au prochain, pour mendier. Aucune dépense que tu auras faite pour les tiens en espérant voir la face d'Allah le Jour du jugement dernier, ne restera sans récompense, même la simple bouchée que tu mets dans la bouche de ta femme ".

Sa'd aura plus tard d'autres enfants en plus de sa fille.

Sa'd pleurait souvent par crainte d'Allah. Il ne pouvait pas s'empêcher de pleurer lorsqu'il entendait les exhortations et les prêches du Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam). Parfois, ses larmes coulaient tellement que ses habits étaient trempés. Allah accorda aussi à Sa'd la réussite dans ce bas monde ainsi que Son agrément dans l'Au-delà. Un jour, alors que le Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam) était assis avec ses Compagnons, il fixa l'horizon du regard, comme s'il écoutait quelqu'un lui chuchoter à l'oreille. Il regarda ensuite les visages de ces Compagnons et leur dit : " Un homme du Paradis va venir à nous dans un instant ". Les Compagnons se mirent alors à regarder dans toutes les directions en espérant voir ce Compagnon bienheureux et chanceux arriver. Après un cours moment, Sa'd vint les rejoindre. Plus tard, Abd Allah Ibn Amr Ibn Al-Âs agrippera Sa'd et insistera auprès de lui pour savoir quel acte de dévotion il avait bien pu faire pour mériter cette grande récompense. Sa'd lui dira : " Sur le plan cultuel, je n'ai absolument rien fait d'exceptionnel. Par contre, je n'ai pas de haine, ni ne souhaite du mal, pour le moindre musulman ".

Voilà donc qui était cet homme aux " Griffes de lion ", pour reprendre le surnom donné par Abd Ar-Rahmân Ibn Awf. C'est cet homme que Umar a choisi pour commander l'armée musulmane lors de la bataille décisive d'Al-Qâdisiya. Les qualités de cet homme étaient évidentes pour Umar, c'est pourquoi il le choisit pour cette mission dont dépendait l'avenir de l'Islam et des musulmans. D'abord, il savait que ses invocations étaient exaucées. Par conséquent, s'il demandait la victoire, Allah la lui accorderait. Ensuite, il y avait son intégrité qui se manifestait dans sa volonté d'acquérir des biens licites. Puis il y avait la véracité de ses propos ainsi que la pureté de sa foi. Il y avait aussi le fait que le Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam) avait annoncé publiquement qu'il irait au Paradis. Par ailleurs, il avait fait preuve d'héroïsme dans toutes les batailles auxquelles il avait participé au côté du Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam) dont les batailles de Badr et d'Uhud. Mais pour Umar, sa plus grande et importante qualité était la force de sa foi. Cette qualité était pour lui indispensable pour quiconque voulait affronter les grandes affaires de ce monde.

Il est intéressant d'observer ici sur quels critères se basait Umar avant de donner une quelconque responsabilité à un Croyant. Il ne regardait ni les origines de la personne, ni son savoir faire, ni sa place dans la société, mais son honnêteté et sa foi. Les Croyants doivent se baser sur des critères similaires s'ils veulent réussir dans leurs projets et atteindre leurs objectifs. Si les Croyants ont écrasé les idolâtres lors de la bataille de Badr, c'est grâce à leur foi et leur honnêteté et non pour des raisons matérielles. Le retour de l'âge d'or de l'Islam ne se fera pas tant que les musulmans ne se conformeront pas à une attitude similaire.

Pour Umar, Sa'd avait fait ses preuves depuis que sa mère avait tenté par tous les moyens de le faire revenir à la religion de ses ancêtres. Alors que Sa'd ne voulait rien entendre, sa mère avait même fait une grève de la faim afin de l'obliger à renier l'Islam. Mais Sa'd restait insensible à toutes ces pressions. Lorsque sa mère fut agonisante, on l'invita à venir lui rendre une dernière visite avant qu'elle ne disparaisse. Sa'd se rendit alors au chevet de sa mère et la trouva dans un état pitoyable. Mais la foi de Sa'd en Allah et en Son Messager était plus forte que sa compassion envers sa mère. Il s'inclina dans sa direction et lui dit à haute voix : " Ô mère ! Par Allah ! Même si tu étais constituée de cent âmes et qu'elles sortaient les unes après les autres, je ne renierais pas ma foi. Fais ce que tu veux, tu es libre de manger ou de ne pas manger ". Sa mère interrompit alors sa grève de la faim. Pour saluer et appuyer l'attitude de Sa'd, Allah révéla le verset suivant :

" Mais si ceux-ci [le père et la mère] te poussent à M'associer ce dont tu n'as aucune connaissance, ne leur obéis pas ".

(Coran 29:8)

Encore une fois : cet homme n'a t-il pas des griffes de lion ?!

Le voici donc investi par le prince des Croyants de cette grande mission consistant à faire face à l'armée perse dont l'effectif atteignit cent mille combattants. Ces derniers étaient parmi les mieux entraînés et les plus armés du monde. Leur armée était commandée par des officiers extrêmement sagaces et savants en termes de stratégie militaire. Face à cette armée redoutable, Sa'd devait compter sur seulement trente mille combattants armés de simples lances. Mais ce qui les distinguait des perses, c'était leur foi inébranlable et leur conviction sans faille. Les Croyants n'avaient qu'un seul souhait : tomber martyrs sur le champ de bataille.

Alors que les deux armées étaient l'une en face de l'autre, Sa'd attendait toujours les consignes du prince des Croyants. Ce dernier lui envoya une missive qui lui ordonnait de se diriger vers Al-Qâdisiya. Pour Umar, ce lieu était la " porte " donnant accès au royaume perse. Umar écrivit ces mot très forts :

" Ô Sa'd Ibn Uhayb, ne soit pas abusé par le fait que les gens disent de toi : ' Il est l'oncle maternel et le Compagnon du Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam) ', car le seul lien qu'il y a entre Allah et les hommes est celui de la piété. Les gens sont égaux devant Allah, qu'ils soient des nobles ou des humbles. Allah est leur Créateur et ils sont Ses serviteurs. Ils se distinguent par la piété et ne peuvent obtenir ce qui est par devers Allah que par l'obéissance. Rappelle toi donc la voie suivie par le Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam) et tâche d'en faire de même, car c'est ce qui nous a été demandé ".

Le message se terminait en ces mots :

" Tenez moi informé de vos déplacements et de vos haltes ainsi que du positionnement de l'ennemi. Je veux absolument tout savoir, comme si j'étais présent parmi vous ".

Sa'd tenait donc informé Umar du moindre détail. Il fallait presque jusqu'à lui dire où était posté chacun de ses hommes. En arrivant à Al-Qâdisiya, Sa'd décida de faire une halte et d'installer le campement. L'armée perse était alors en train de s'organiser et de mobiliser le peuple comme ne l'avait jamais fait. Leur armée était commandé par le plus célèbre et dangereux guerrier de l'empire sassanide : Rustun.

Informé de la situation par Sa'd, Umar lui donna les instruction suivantes :

" Ne sois pas impressionné par leur nombre ni par ce qu'on dit à leur sujet. Implore l'aide d'Allah et mets ta confiance en Lui. Envoie à Rustum des messagers connus pour leur intelligence, leur sagacité et leur foce de caractère. Qu'ils l'invitent à embrasser l'Islam et tiens moi informé au jour le jour ".

Sa'd envoya de nouveau un message au prince des Croyants. Ce message disait :

" Rustum campe actuellement à Sâbat et son armée est composée de chevaux et d'éléphants. Il compte maintenant marcher dans notre direction ".

Umar lui répondit en le rassurant et en lui donnant conseil.